Hélene Dorion extraits de
»un visage appuyé contre le monde »
»mes forets »
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Jean Le Boel extraits du recueil
»jusqu au jour »
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Avril
Le jour s allonge, l aube murmure sa lumière
A la volubile mésange charbonnière
Les tulipes assidues éclatent leurs couleurs
Et déjà crient a l élection des fleures
A tes grêlons furieux et petits frimas ; Avril
A ton premier jour, d un geste polisson
Sans aucun frisson je me découvre d un fil
Pour dans ton dos y accrocher un poisson
PP
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Apparition
La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles.
— C’était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S’enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d’un Rêve au cœur qui l’a cueilli.
J’errais donc, l’œil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m’es en riant apparue
Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d’enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées.
Stéphane Mallarmé.
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La charrette suit l’homme, pipe et chapeau, foulard voué aux intempéries.
L’âne trotte, décidé, broches dégagées, la gloire d’une oreille a l’autre.
Commère en mal de dispute, la route chante a plein gravier selon le pas. Un citronnier hirsute
M offre ses astres, son œil planté de lumière. Il abandonne les bruants pour se targuer de philosophie.
…
J ai laissé le soleil galvauder son humeur pour flâner entre les barrières,
Dégraisser les arrières cours.
L homme a disparu, emportant l âne et sa carriole aux embruns du matin réajustant la force de vivre.
R. LOMBARD extrait du receuil
L impasse des gamberges
ed librairie galerie racine paris
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Chanson de fortunio
Si vous croyez que je vais dire
Qui j’ose aimer,
Je ne saurais, pour un empire,
Vous la nommer.
Nous allons chanter à la ronde,
Si vous voulez,
Que je l’adore et qu’elle est blonde
Comme les blés.
Je fais ce que sa fantaisie
Veut m’ordonner,
Et je puis, s’il lui faut ma vie,
La lui donner.
Du mal qu’une amour ignorée
Nous fait souffrir,
J’en porte l’âme déchirée
Jusqu’à mourir.
Mais j’aime trop pour que je die
Qui j’ose aimer,
Et je veux mourir pour ma mie
Sans la nommer.
Alfred de Musset.